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Page:Deraismes - Le Theatre chez soi.pdf/229

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Mme DE SORIEU, se cachant le visage.

Quelle honte !

LOUISE, s’approchant d’Horace.

Vous avez immolé votre amour, Horace, pour sauver l’honneur de ma famille ; vous avez fait votre devoir, à moi maintenant de remplir le mien. Ne redoutez pas que, forte de mon droit, je contraigne votre cœur ; mon dévouement ne sera pas au-dessous du vôtre. Moi aussi, je ferai un sacrifice, celui de cette jeunesse, de cet avenir qui me promettaient tant de joie. Vous êtes libre, Horace ; seulement, s’il est permis à celui qui reçoit d’imposer une condition, seulement dis-je, sauvez les apparences, et que chacun puisse croire à mon bonheur. Songez que votre fuite jeterait le désespoir là où vous avez fait renaître la sécurité ; songez encore qu’il jaillirait un soupçon sur la femme abandonnée.

HORACE.

Pardon, Louise, il suffit d’une noble parole pour remettre un homme en possession de lui-même. Je respecterai les liens qui nous unissent tous deux.

LOUISE.

Je vous ai dit, Horace, que vous étiez libre. Je n’accepterai jamais l’aumône d’un sentiment.

Mme DE SORIEU.

Ah ! madame, il vous aime.

LOUISE.

Pauvre femme, je vous plains. Il y a aussi loin de l’estime à l’amour que de la folie à la raison.

Mme DE SORIEU, exaltée.

Oh ! oui, je suis folle, insensée, misérable, et mon dés espoir vous semble de l’extravagance et du délire. Votre âme calme et pure ne connaît pas encore les angoisses de la passion.