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Page:Deraismes - Le Theatre chez soi.pdf/230

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HORACE.

Louise, si la fidélité du serment, si la durée d’un sentiment, même illégitime, a quelque grandeur, je ne suis pas sans excuse à vos yeux.

Mme DE SORIEU.

Vous le voyez, madame, il cherche à se justifier de son amour.

HORACE.

Adrienne, vous ne me comprenez pas.

Mme DE SORIEU.

Si, et je suis bien à plaindre… Là où je croyais voir une rivale, je trouve une victime ; là, enfin, où je voulais placer la haine, je place l’admiration.

LOUISE.

Vous n’avez pourtant rien à m’envier, ce me semble ?

Mme DE SORIEU.

Si, car plus votre rôle grandit, plus le mien s’efface. À votre beauté vient s’ajouter la supériorité du droit et le rayonnement du devoir accompli. Que serais-je désormais pour Horace, sinon la réalité vulgaire et décevante ; tandis que vous, vous serez l’idéal, le rêve qui excite et qui captive l’imagination.

LOUISE.

Ne craignez pas.

Mme DE SORIEU.

Mais si vous alliez l’aimer !…

LOUISE, d’une voix étouffée.

L’amour est fou quand il naît sans espérance, et j’ai toute ma raison. Allez, soyez heureuse ; je ne veux pas troubler l’harmonie de deux existences ainsi confondues l’une dans l’autre.