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Page:Des Érables - La guerre de Russie, aventures d'un soldat de la Grande Armée, c1896.djvu/18

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VIE DE NAPOLÉON Ier

masse profonde de quarante millions d’hommes ou l’avoir avec soi et l’entraîner contre les Russes… Grande difficulté, car l’Autriche et la Prusse, tour à tour vaincues et foulées sous le pied du vainqueur, pouvaient profiter de l’occasion, prendre les armes et lui couper la retraite, pendant qu’il manœuvrerait sur la Dwina, le Dniéper ou même sur la Moskowa, à sept cents lieues de France.

Le premier soin de Napoléon fut donc de s’assurer leur alliance.

Dès les premières propositions, le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III, s’empressa d’offrir son royaume et son amitié.

L’alliance de l’Autriche était plus difficile à obtenir que celle de la Prusse, malgré les liens de parenté qui unissaient Napoléon à l’empereur François.

Cependant, ici encore Napoléon réussit parfaitement. Mais il ne songea nullement que ces alliés agissaient plutôt par crainte que par affection pour lui. Il leur promit quelques provinces et regarda toutes les difficultés comme aplanies.

C’est dans ces conditions et malgré la défection des Turcs et des Suédois que Napoléon entreprit la campagne de Russie, avant-dernière étape de son voyage à Ste. Hélène.

Aujourd’hui encore, quand les Russes parlent de la Campagne de 1812, ils l’appellent Guerre de la Patrie. Pendant six mois qu’elle dura, le peuple russe montra le plus ardent patriotisme. Deux sentiments paraissaient l’animer : l’amour du sol natal et la haine de l’envahisseur.

Au commencement de cette guerre mémorable, les troupes régulières de la Russie se composaient tout au plus de 200,000 hommes. Mais les engagements volontaires aussi bien que les recrutements forcés eurent bientôt doublé ce nombre. C’était plus qu’il n’en fallait pour combattre victorieusement un ennemi que les privations d’abord, et ensuite la rigueur du climat, devaient décimer, grâce au système adopté par les généraux russes de reculer toujours et de ne céder aux envahisseurs qu’un territoire absolument dépourvu de vivres et d’abris.

Napoléon s’était préparé à la guerre avec une prudence qu’on ne lui avait pas connue avant cette époque. Il avait passé deux ans à renforcer les garnisons en Allemagne et à y accumuler des provisions, rapprochant continuellement ses troupes de la frontière russe.

Voici quels généraux il choisit pour commander la Grande Armée.

Murat fut désigné pour prendre le commandement de la cavalerie. Il eût préféré rester à Naples, car le métier de roi lui plaisait beaucoup plus que celui de soldat ; mais l’ordre était formel et il partit pour la Pologne avec deux divisions napolitaines.

Eugène de Beauharnais, fils adoptif de Napoléon et confident de tous ses projets, commandait les quatrième et sixième corps, composés de régiments français, croates, dalmates, bavarois, illyriens et espagnols et de la garde royale italienne. Sa bravoure chevaleresque était reconnue de tout le monde, mais il était trop jeune pour occuper un poste si élevé.

Plus jeune encore qu’Eugène de Beauharnais, Jérôme, roi de Westphalie, commandait les cinquième et septième corps. Lui aussi était un vaillant guerrier, mais il aimait trop le plaisir. Souvent il courait les bals lorsque sa présence était nécessaire à l’armée pour maintenir la discipline ou ranimer le courage de ses soldats.