L’enfant de neuf ans, qui devait écrire Ruy-Blas, précoce observateur, déploya dès le premier jour une singulière intelligence de l’Espagne. A la première halte, un bourg le frappe par ses maisons tout éeussonnées. Ce bourg s’appelait Ernani. Il avait déjà ses partis pris en architecture et préférait toujours le beau au joli, les villes graves aux villes souriantes. La pensée se traduisait chez lui en images. Il possédait déjà la conscience du passé. On le vit un jour admirer, à la grande surprise des assistants, un huilier Louis XV, enguirlandé de roses d’argent. Ségovie l’émerveilla comme un rêve. Il arriva enfin à Madrid, où il devait habiter le palais Masserano. Là il prit en affection une galerie de portraits. « On l’y trouvait seul assis dans un coin, regardant en silence tous ces personnages en qui revivaient les siècles morts ; la fierté des attitudes, la somptuosité des cadres, l’art mêlé à l’orgueil de la famille et de la nationalité, tout cet ensemble remuait l’imagination du futur auteur d’Hernani et y déposait sourdement le.germe de la scène de don Ruy Gomès de Silva. » Mais bientôt le contemplateur perdit pour la première fois la liberté. Il passa, avec son frère Eugène, un au au collége des Nobles, sous la direction du gros D. Manuel et du sec D. Basile. Les progrès de l’insurrection espagnole ramenèrent en France toute la famille, à l’exception du père, qui y resta l’épée à la main jusqu’au dernier jour, s’offrant, après la bataille de Vittoria, à aller enlever Wellington !
Les Feuillantines ressaisissent leurs hôtes joyeux et rêveurs. Deux ans après, l’invasion de la France les