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145Icy est recognu le marinier Sapin,
Et le chesne durable honoré de Jupin.
L’If paroist en ce lieu tout rempli de ruchetes,
Et le chaste laurier saint arbre des profetes.
Icy le buis crespé flote sur le coupeau,
150Et la vigne pampreuse embrasse son ormeau.
Assez pres est un lac, que ceux de Sycanie
Ont appellé Pergun, son eau clere & serie
Demonstre jusque au fond tout ce qu’il tient caché :
L’œil en le regardant n’est jamais empesché.
155Il pallist quelque fois voyant les eaux voisines,
Mais il n’en trouble point les ondes cristallines.
La troupe resjouie en ces beaux champs fleuris
Ensemencent par tout & les jeux & les ris.
La subtile Venus qui leur servoit de guide,
160Au pillage des fleurs pousse la main timide :
Cueillez mes sœurs (dit elle) ore que l’air tant doux
Embasmé de rosee espend autour de nous
Ses goutes de parfum, & que ma belle Aurore
Fourriere du Soleil ceste plaine colere.
165Elle n’eut si tost dit, qu’en signe de douleur
Proserpine regarde une brune couleur.
Ceste gentille bande erre par les bocages
Courant deça delà, où les desirs volages
La tirent par les yeux : on diroit qu’un essein
170Nouvellement sorti se jette dans le sein
De ce fertile champ, quand les abeilles changent
Leur palais encirez & en d’autres se rangent.
L’armee porte-miel bourdonne sur le thin,
Et sur les fleurs de chois pour en faire butin.