santé, je vous supplie qu’il vous plaise avoir souvenance de moy.
6.
Rayment je serois fachée que souz la condition
d’une lettre si gentille que la vostre, on
me veist condamnée de trois fautes : ingratitude,
ignorance, & opiniastreté. Ingratitude envers vous
correcteur de ma faute, ignorance pour ne l’avoir
cognuë, & opiniastreté à la vouloir soustenir. Ce
n’est pas mon desir que les volontez sacrees à la
Deesse Verité s’inclinent en ma desfavorable faveur.
Je n’ay tant de presomption que je pense ne
faillir point, & ne me tiens à si vil pris que je cuide
tousjours errer : & si j’ay erré à proterve, le divin
Arioste qui ne veut point trop de Latin parmy son
vulgaire, en embellist un des vers de son premier
chant. Puis que le larcin est loüé en un homme
si riche, ne sera-il pas permis à moy qui defauts
d’esprits, d’invention & de paroles : & mesmes en
ce temps de guerre que le pillage est pratiqué de
chacun ? Ne faites donc s’il vous plaist couler souz
la douceur de vos paroles (tant bien dites) l’aigreur
d’une telle tache : & croiez que je veux, desire &
recherche, d’estre advisee, aprise & enseignee, selon
le besoin que j’en ay. Je ne souhaite pas moins avoir
part en vos bonnes graces, s’il vous plaist me faire
tant d’honneur, priant la grandeur divine (Monsieur)
qu’elle vous soit liberale des siennes.