De monstres effroians, qui conjurent la guerre
Avec les Titans au prince du Tonnerre.
Les Manes palissans viennent hardis de peur :
Thisiphone & ses sœurs leurs incitent le cueur.
Les Hidres serpenteux que porte Thisiphone,
Luy font au tour du chef une horrible couronne.
En ce point elle va du regne tenebreux
Pour allumer le pin au feu malencontreux.
Le cruel Egeon espoint de la furie,
Voulant l’acompagner promptement se delie,
Jurant encor un coup la guerre à Jupiter,
Et faire dans l’Enfer le ciel precipiter.
Mais voicy arriver les trois filles fatales
Aux cheveux blanchissans aux faces tristes-palles,
Qui requerans Pluton en faveurs des humains
Portent à ses genoux leurs suppliantes mains,
Leurs mains qui vont guidant souz le mouvoir du pouce
La vie des mortels, soit elle amere ou douce.
Lachesis la premiere aiant le poil espars,
Faisant noier en pleurs ses languissans regards,
Luy va dire cecy : O Roy grand & severe,
Que ceste terre craint, & que le ciel revere,
Roy qui faites tourner le filet du destin,
Ordonnant à chacun commencement & fin :
Tout ce qui est vivant doit à vostre puissance
L’honneur du bien receu, le jour de sa naissance.
Vous donnez la matiere, & commandez tousjours
A ces esprits errans aux variables cours.
Dea qui vous a esmeu de rompre la loy sainte
Qui tient les Dieux en paix & les hommes en crainte ?
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