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BETTY PETITE FILLE


un brusque sursaut de cœur, fait de terreur et d’espérance. Une sueur montait à ses tempes, mais stoïque elle continuait à sourire.

C’étaient surtout les vieux messieurs qui l’attiraient, il lui semblait qu’auprès d’eux, elle se serait trouvée en confiance, protégée par leur sagesse. Les hommes jeunes par contre lui faisaient peur, elle sentait en eux la brute sensuelle.

Pourtant cette passion masculine qu’elle voyait flottant autour d’elle, lui procurait des plaisirs intimes et rares, c’était déjà une jouissance imprécise quoique très incomplète.

Comme elle tournait la rue Daunou, elle s’entendit interpeller à voix basse. Une frayeur soudaine l’immobilisa une seconde, lui brisant les jambes. Elle jeta derrière elle un regard misérable et aperçut vaguement une barbe noire et au-dessus des yeux qui luisaient.

Une peur atroce, la jeta en avant ; elle s’enfuit en courant presque.

Un peu plus loin, elle ralentit, tout son énervement était tombé, il ne subsistait plus qu’une lassitude passagère. Derrière toujours elle croyait entendre sur l’asphalte le pas brutal du suiveur, et cela avait dans sa pauvre tête des résonnances étranges.

Plus courageuse, elle osa enfin se retourner et