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BETTY PETITE FILLE

Et pour l’enfant Madame Cérisy n’était plus « maman », mais « petite mère », la belle veuve, sur laquelle se posaient les regards enflammés des hommes.

Ses quatorze ans avaient une curiosité morbide, attirée par toutes les choses de l’amour, parce qu’elle vivait dans l’atmosphère de la grande ville, toute chargée d’éréthisme.

Déjà elle savait que la femme par son sexe peut se procurer tout ce que réclame sa coquetterie ou sa vanité. Ce n’était point là chez elle une opinion vague, imprécise, mais une certitude qui s’appuyait sur des faits concrets notés par sa perspicacité silencieuse.

Du temps de son père, anodin chef de bureau en une compagnie de chemin de fer, l’existence s’écoulait plate et monotone, où tout était compté, même la menue monnaie parcimonieusement économisée.

Et puis, à peine le chef de bureau mis en terre, tout avait changé, comme par magie. Un tapissier était venu, puis un autre. Madame Cérisy eut des bagues qui étincelèrent, des solitaires à ses oreilles nacrées.

Décidément le père avait dû être un empêcheur de danser en rond ; la fillette ne le regrettait point, lui conservant juste un souvenir poli.