Page:Des artistes, première série, 1885-1896, peintres et sculpteurs, 1922.djvu/252

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de son masque. Pour ma part, je ne connais pas de joie plus vive qu'une promenade dans la campagne avec ce silencieux et admirable ami en qui la nature semble s'être complue à déposer ses secrets les mieux gardés. Car M. Auguste Rodin ne borne pas son action à la recherche de la vie plastique. De la ligne et du modèle, il remonte au mouvement, du mouvement à la volonté et à tous les phénomènes passionnels ou psychiques qui en découlent. Cela devait être ainsi pour qu'il pût réaliser l'œuvre qu'il allait entreprendre. Et M. Rodin aura été non seulement le plus grand statuaire de son temps, il en aura été ainsi un des penseurs les mieux avertis des souffrances de l'âme humaine et des mystères de la vie. Non seulement il exprimera, avec une puissance toujours renouvelée, la logique beauté des formes, mais avec de la glaise, de la cire, du bronze et du marbre, il modèlera de la passion et créera de la pensée.


La première figure qu'il envoie au Salon, c'est L'Âge d'airain. Elle est belle. Quelques parties même en sont si admirables que le jury ne peut croire qu'il se trouve devant une œuvre d'art et, stupidement, conclut à un moulage sur nature. Pourtant s'accusent encore dans l'harmonie du corps, dans le modelé du torse et la levée du bras, du ressouvenir de l'antique. Il n'importe : le