Aller au contenu

Page:Desbordes-Valmore - Contes et scènes de la vie de famille, tome 2, 1865.pdf/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
LE PETIT BÈGUE.

de traits tout à fait jolis ; c’était comme une manière de couronne qu’il avait un sérieux plaisir à composer autour. Il se croyait heureux aussi quand on le laissait là, quand il marchait vite, seul et libre, le nez au vent, jetant ses bras devant lui, sur sa tête, en tous sens, comme un être fort qui veut grandir. Personne dans l’école ne le haïssait, il ne troublait personne ; il était même aimé comme une espèce de joujou solide sur lequel on se jetait quand les autres étaient cassés.

On l’appelait souvent bègue-bête, pour rire, et plus souvent bonne-bête. Quelques ricaneurs peut-être avaient rencontré ses yeux : c’étaient de ces yeux qui lancent une pensée toute chaude, toute claire ; son regard ne bégayait pas plus que son âme ; vous allez voir ! car je l’aime, moi, ce petit René ; je veux vous le raconter des pieds à la tête.

Ce jour-là, en juillet, un jour tout de feu et de vacance, on alla se baigner. Toute l’école avait soif d’eau, de cette belle eau dont le bruit rafraichit l’oreille, dont le courant plein de perles blanches semble entrer par les yeux dans l’imagination altérée de ceux qui la regardent.

Dernier venu dans l’école, à l’époque de l’année où les bains de rivière sont clos jusqu’à l’autre été, René ne savait pas nager.