Aller au contenu

Page:Desbordes-Valmore - Correspondance intime 1.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Laissez moi ma mélancolie ;
Je la préfère à l’ivresse d’un jour :
On peut rire avec la Folie,
Mais il n’est pas prudent de rire avec l’Amour.
Laissez-moi fuir un danger plein de charmes,
Ne m’offrez plus un cœur qui n’est qu’à vous.
...........................................
Je renonce à l’amant, et je garde une amie.»

Plus prudente, ou plus expérimentée, Marceline aurait du fuir une amitié si dangereuse, le pouvait-elle encore ? Elle comptait sur sa fierté pour se défendre. Elle écouta les aveux, elle crut aux serments et se laissa prendre au charme d’une voix pénétrante et voilée, elle s’enivra de protestations passionnées, puis elle voulut fuir, mais elle était vaincue :

« Contre un penchant si vrai, si longtemps combattu,
Ma sœur, je n’avais plus d’appui que sa vertu. »

Bientôt Marceline n’eut plus qu’à pleurer son désespoir.

Son nom ! Qu’importe de connaître le passant à qui nous devons les plus beaux cris d’amour que notre siècle ait entendus ? Plus heureuse, Marceline aurait-elle trouvé de tels accents et, d ailleurs, pour les Poètes, les larmes ne sont-elles pas la rosée du génie ? Son nom ! Il revient sur les lèvres de Marceline, il est au bout de sa plume ; sa bouche le murmure sans cesse, mais sa voix ne le prononce, sa main ne l’écrit jamais.