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LES PLEURS.

Dis ! ne souris-tu pas quand ta rêveuse étoile,
Le soir, dans ses rayons humides et flottans
Glisse un chaste baiser sous la pudique toile,
Où le ciel, qui t’aimait ! plongea tes beaux printemps ?

Non ! tu ne voudrais plus cueillir nos fleurs avares
Dont les âcres parfums tourmentaient ta raison :
De nos rangs consternés, libre, tu te sépares,
Et tu ne bois plus l’air où roule le poison.
Le monde t’a fait peur : de ses bruits alarmée,
Tu te penchas, soumise et vierge, sous la mort ;
Et tu t’envolas, fleur fermée,
T’épanouir aux feux qui n’ont pas de remord.

Tu ne vins pas, d’un jour prolongeant ton voyage,
Tenter de nos climats l’air tiède et transparent ;
Sous le voile d’encens où brûle leur bel âge,
Regarder tes sœurs en mourant !

De celle dont le cœur s’enferme et bat si vite[1],
Toi ! tu pouvais prétendre à rencontrer la main :
L’ange blessé l’attire au bord de son chemin,
Et sa grâce peut-être eût enchaîné ta fuite.

  1. Madame Tastu.