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LES PLEURS.


Quand j’ignorais la mort, je pense qu’une fois
On me fit blanche et belle, et qu’on serra ma tête
D’une tresse de fleurs comme pour une fête ;
Qu’une gaze tombait sur mes souliers plus beaux ;
Et qu’à travers le jour nous portions des flambeaux :
Et puis, qu’un long ruban nous tenait, jeunes filles
Prises pour le cortége au sein de nos familles.

Oui, de mes jours pleurés je vois sortir ce jour
Tout soleil ! ruisselant sur la fraîche chapelle
Où je voudrais prier quand je me la rappelle.
Enfans, nous emportions à son dernier séjour
Un enfant plus léger, plus peureux de la terre,
Et qui s’en retournait habillé de mystère,
Furtif comme l’oiseau sur nos toits entrevu,
Posé pour nous chanter son passage imprévu,
Dont la flèche invisible a détendu les ailes,
Et qui se traîne aux fleurs, et disparaît sous elles !

Je souriais pourtant, car je ne savais pas
Si l’église tintait la vie ou le trépas.
Ma mère était plus tendre et me pressait contre elle.
« Dieu ! » disait-elle, « ô Dieu ! cachez-la dans votre aile ! »
Et puis en me baisant : « Tu laisseras tomber
» Tes fleurs en saluant l’autel de la madone ;