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LES PLEURS.

» Dans l’eau sainte, petite, il faut les imbiber ;
» Mets ton flambeau dans l’ombre ; elle sait bien qui donne.
» Regarde si la flamme a monté vers les cieux,
» Ma fille ; et ne va pas en détourner les yeux !
» Tiens, voilà pour le pauvre : il faut l’aider ; il prie
» Celle qui va te voir et qu’on nomme Marie. »
Émue elle ajouta : « Toi ! tu vivras toujours ! »
Et je trouvai ce jour plus beau que d’autres jours.

Bel âge somnambule ! enchanté d’ignorance,
Qui ne sait pas qu’on meurt, et qui vit d’espérance !
Qui croit que le malheur est pour le méchant… Mais
Où sont-ils les méchans ? en a-t-on vu jamais ?
Ô tissu d’harmonie ! ô premières années,
Où les ames sans peur s’envolent pardonnées,
Où pas un chant n’est faux, pas un écho défait,
Où chaque bruit nouveau frappe un accord parfait !

Nous entrâmes sans bruit dans la chapelle ouverte,
Étrangère au soleil sous sa coupole verte ;
Là, comme une eau qui coule au milieu de l’été,
On entendait tout bas courir l’éternité ;
Quelque chose de tendre y languissait : du lierre
Y tenait doucement la vierge prisonnière ;
Parmi le jour douteux qui flottait dans le chœur,
On voyait s’abaisser et s’élever son cœur.