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LES PLEURS.

Je le croirai toujours : c’était comme une femme
Sur ses genoux émus tenant son premier-né,
Chaste et nu, doux et fort, humble et prédestiné,
Déjà si plein d’amour qu’il nous attirait l’ame !

La mort passait sans pleurs. Hélas ! on n’avait pu
Porter la mère au seuil où la blanche volée,
Sur la petite boîte odorante et voilée,
Reprenait l’hymne frêle aux vents interrompu :
Et le deuil n’était pas dans notre frais cortége ;
Car le prêtre avait dit ; « Enfant, Dieu te protége ;
Dieu t’enlève au banquet mortel qui t’appelait,
Encor gonflé pour toi de larmes et de lait ! »

Et quand je ne vis plus ce doux fardeau de roses
Trembler au fond du voile au soleil étendu,
On dit : « Regarde au ciel ! » Et je vis tant de choses,
Que je l’y crus porté par le vent, ou perdu,
Fait ange dans l’azur inondé de lumière ;
Car l’or du ciel fondait en fils étincelans,
Et tant de jour coulait sur nos vêtemens blancs,
Qu’il fallut curieuse en ôter ma paupière.

Long-temps tout fut mobile et rouge sous ma main,
Et je ne pus compter les arbres du chemin :