Page:Desbordes-Valmore - Poésies, 1860.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
POÉSIES.

S’égaraient dans la bruyère ;
Les chiens étaient sans colère,
Les bergers étaient sans voix.

On entendait le murmure
D’un ruisseau vif et jaseur,
Qui livrait à l’aventure
Le secret d’un jeune cœur :
Sur les flots de son rivage
Chloé, fuyant le soleil,
Penchait sa brûlante image,
Belle comme un fruit vermeil :
« À cette heure où mes compagnes
Cherchent l’ombre à l’autre bord,
Qu’au bruit vague des campagnes
Tout s’engourdit et s’endort,
Sous ma guirlande nouvelle,
Dites-moi, petit ruisseau,
Me trouvez-vous aussi belle
Que Daphnis me paraît beau ?
En vain avec ma couronne
J’ai l’air aussi d’une fleur ;
Tout l’éclat qu’elle me donne
Ne fait pas battre mon cœur.
Aux bergères de mon âge
Je vois les mêmes appas ;
Elles dorment sous l’ombrage,
El je n’en soupire pas :
Sans Daphnis tout m’est contraire ;
Daphnis a donc plus d’attraits ?
Et je sens qu’on ne peut plaire
Qu’en ayant les mêmes traits.