Métaphysique. i j 5
hésite, elle ne peut faire un pas sans broncher ; elle semble condamnée pour toujours à l'immobilité absolue. Or c'est de cette infirmité même, que Descartes fera sortir la plus auda- cieuse et cependant, selon lui, la plus certaine des affirmations. Et remarquons-le, ce sont toujours les armes des sceptiques qu'il retourne contre eux ; leur propre thèse va fonder la sienne inébranlablement. Plus notre pensée doute, plus elle fait preuve d'imperfection. Or l'imperfection ne saurait être jugée telle que par rapport à la perfection, dont nous avors donc l'idée. Le philosophe transporte ici dans le monde intel- lectuel ce qui est bien connu des mystiques dans le monde moral : là, plus une âme place haut son idéal, plus elle se sent éloignée de lui; les plus parfaits sont précisément ceux qui se jugent les plus imparfaits. Considérées comme deux idées, perfection et imperfection sont corrélatives, et croissent en raison directe l'une de l'autre. Mais l'idée de la perfection ne pouvant pas venir de l'imperfection, il faut bien qu'elle vienne d'un être parfait : par conséquent celui-ci existe. Je pense, donc je suis, avait dit Descartes. Vérité unique, qui renferme deux parties. La preuve bifurque donc. D'une part, notre pensée {je pense), qui jusqu'alors n'a fait que douter, c'est-à- dire témoigner de son imperfection par rapport à la perfection, par là même prouvait Dieu. Et d'autre part, notre existence (je suis), c'est-à-dire notre existence d'être pensant, en qui se trouve ridée du parfait, ne s explique aussi que par l'existence de cet être parfait ^
Le fond de cette double argumentation se retrouverait chez saint Thomas et chez Aristote ; mais Descartes l'a transformée en l'adaptant à ses méditations. On raisonnait sur les causes secondes, dont la chaîne ne saurait remonter à l'infini ^ : causes
a. Tome VI, p. 33, J. 26, a p. 36, 1. 3.
b. EusTACHE DE Saint-Paul, Sutnma Philo/ophice. Metaphyjica. Quœjîio 2 : Virùm Deum effe demonjlrari pojftt & quomodo ?
■ <■ Secunda affertio. Deum effe à pojleriori demonftrari poffe, ita cer-
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