Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/452

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

caractère d’intimité qui en fait le grand intérêt. Si la princesse s’habitua vite à ne rien cacher au philosophe, celui-ci, d’ordinaire si réservé, si fermé même en ce qui le concerne, lui révéla sur lui-même, sur ses idées, ses habitudes, sa vie, des choses qu’il n’a dites à nulle autre personne. Maintes fois, pour la rassurer et l’encourager, il invoque sa propre expérience[1] : comment il guérit d’une maladie semblable à celle de la jeune femme, fièvre lente et toux sèche, dont il avait hérité de sa mère, morte si peu de temps après sa naissance ; comment, dans son pays de Poitou, les enfants en bas âge souffrent de petits accidents vite disparus, sans même qu’on ait besoin de les soigner ; comment, par une certaine discipline de son esprit, il avait réussi à n’avoir plus de mauvais rêves, ni qui lui représentassent rien de fâcheux ; et comment les bonnes dispositions où il s’entretenait, le rendaient heureux, même de ce petit bonheur de ceux qui jouent et qui gagnent au jeu ; comment il s’était imposé, comme une règle favorable à sa santé et à ses études, de n’employer que fort peu d’heures par an à la métaphysique, et fort peu d’heures par jour à la mathématique : le reste était donné au relâche des sens et au repos de l’esprit. De son côté, Élisabeth lui raconte ingénument[2] toutes ses petites infirmités, obstruction de la rate, apostèmes aux doigts (qu’on prend pour de la gale), rougeole, etc. Elle le consulte sur les remèdes ; elle lui fait analyser les eaux de Spa, avant d’en boire, et lui soumet le régime qu’elle doit suivre. Après une confidence, elle lui

  1. Pour tous ces détails, voir t. IV : p. 220-221 (toux de sa mère) ; p. 589, l. 10-22 (éruption infantile) ; p. 282, l. 17-18 (rêves) ; p. 529-530 (jeu) ; t. III, p. 692-693 (emploi du temps).
  2. Tome IV, p. 208, k. 17 (rate) ; p. 579, l. 15-25 (apostèmes) ; t. V, p. 226, l. 21-25 (rougeole) ; t. IV, p. 206-206, 208, etc. (eau de Spa) ; t. III, p. 662 et 668 (Hippocrate). Descartes donna des consultations, l’été de 1640, pour une enfant malade, fille de son ami Wilhem, et de loin à son ami de Paris, Clerselier : t. III, p. 90-93 ; et t. IV, p. 565-566. A Paris même, il dira son mot sur la maladie de Pascal : t. V, p. 73. — Voir encore, sur sa paresse relative, qui était plutôt un judicieux emploi de son temps : t. VII, p. 430-431, et t. IX, p. 232.