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lequel nous reviendrons tout-à-l’heure, les premiers et les plus beaux chefs-d’œuvre de notre théâtre sont romains, grecs ou juifs. Racine et Corneille ont exploité magnifiquement ces trois antiquités en les arrangeant, sans les dénaturer, selon le goût de leur siècle ; car les poètes dramatiques (et c’est ce qui nuit beaucoup à la durée de leurs ouvrages) ne peuvent pas toujours pousser très-loin la fidélité des mœurs et la vérité du langage ; ils sont obligés, pour être entendus et goûtés, de prendre, dans leur style et dans leurs caractères, une moyenne proportionnelle entre le siècle qu’ils mettent sur la scène et le siècle dans lequel ils vivent. C’est ce que Corneille et Racine ont fait avec un art prodigieux, et chacun avec des procédés bien différens. Ces deux poètes immortels n’ont rien de pareil entr’eux, et c’est pourquoi ils peuvent se traiter d’égaux.

Voltaire, après eux, jeta son drame pathétique et brûlant dans toutes les nations et dans tous les temps où n’était point parvenu le génie de ses devanciers ; il fit comparaître sur la scène une grande partie des peuples modernes, et c’est en cela surtout qu’il a mérité le trône tragique où il est assis. L’innovation est toujours le seul moyen de gloire. Mais Voltaire, si inventif dans