Page:Deschamps - Études françaises et étrangères, 1831, 5e éd.djvu/43

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ses conceptions, si intéressant dans ses fables, si neuf par les pensées, est resté, comme poète et comme écrivain, bien au-dessous de Corneille et de Racine. Soit que la nature ne l’ait pas doué de poésie au même degré que ces deux grands hommes, soit que, travaillant pour une époque excessivement spirituelle, mais peu artiste, il ait négligé, à dessein, la forme et la couleur poétiques, qui n’eussent été que médiocrement senties, pour se livrer tout entier aux combinaisons théâtrales et aux déclamations philosophiques qui étaient alors dans le goût du public, il est certain qu’il a outré encore le défaut de localité et d’individualité qui est le péché originel de notre tragédie. Ses personnages turcs, chinois, arabes où américains, sont bien plus des Français, que les Grecs et les Romains de Racine et de Corneille : et comme ce sont des Français du siècle de Louis XV, au lieu d’être des Français du siècle de Louis XIV, leur langage est moins grand, moins pur et moins idéal. Ce n’était plus devant madame de la Vallière, mais devant madame de Pompadour qu’ils parlaient. Il est juste toutefois d’excepter les caractères de chevaliers que Voltaire a tracés avec beaucoup de charme et une fidélité de couleur plus que suffisante pour l’époque. Au total,