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malgré de nombreux vices d’exécution et une débilité de style qui contraste trop souvent avec la hardiesse des idées, Voltaire a dû produire tout l’effet qu’il a produit, et il est impossible de ne pas reconnaître qu’il a étendu, sinon élevé notre scène tragique, et qu’il a passionné encore le dialogue et les situations ; enfin il a ouvert une source nouvelle et abondante de pathétique, et on lui doit de fortes et nobles émotions, qu’on n’avait pas éprouvées au même degré avant lui.

Arrêtons-nous pour remarquer que le génie de nos trois grands tragiques s’est manifesté dans les proportions et avec les formes qui convenaient aux époques où ils ont écrit, et que la nature de leurs beautés et même de leurs défauts n’a aucune analogie. Comment donc obtenir une place à côté d’eux ? c’est également en faisant ce qu’ils n’ont pas faits et ce qu’ils feraient maintenant.

Assez-long temps, on nous a donné les mêmes tragédies sous des noms différens ; assez longtemps, les continuateurs, exagérant ce qu’il y avait de défectueux dans nos chefs-d’œuvre sans en reproduire les beautés, nous ont montré des personnages antiques habillés à la moderne, ou des modernes parlant un vieux langage, la tragédie française d’imitation en imitation, est arrivée,