séduit par ce qu*il y a de franc, de libéral, de spontané dans ces déclarations si ingénues à la fois et si méchantes. On sent déjà, dans sa repartie à cette vive attaque, une nuance de regret, une trace de dépit, une marque d’espoir :
« Eh ! madame, c’en est fait ; et vous n*avez rien à craindre. Je ne suis point de caractère à persécuter les dispositions où je vous vois ; elles excluent notre mariage ; et quand ma vie en dépendrait, quand mon cœur vous regretterait, ce qui ne serait pas difficile à croire, je vous sacrifierais mon cœur et ma vie, et vous les sacrifierais sans vous le dire ; c’est à quoi je m’engage, non par des serments qui ne signifieraient rien, et que je fais pourtant, comme vous, si vous les exigez ; mais parce que votre cœur, parce que la raison, mon honneur et ma probité, dont vous l’exigez, le veulent ; et comme il faudra nous voir, et que je ne saurais partir ni vous quitter sur-le-champ, si, pendant le temps que nous nous verrons, il m’allait par hasard échapper quelque discours qui pût vous alarmer, je vous conjure d’avance de n’y rien voir contre ma parole et de ne l’attribuer qu’à l’impossibilité qu’il y aurait de n’être pas galant avec ce qui vous ressemble. »
Ces airs d’indifférence, où perce un si sincère intérêt, commencent à apprivoiser le cœur de Lucile. Elle se sent déjà entraînée vers Damis par un involontaire penchant. Elle voudrait lui parler de nouveau, et sa voix n’est plus irritée. Mais cette première entrevue, en même temps qu’elle lie ces deux jeunes gens, semble devoir les séparer pour toujours, puisqu’ils ont juré de ne point s’épouser