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Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/112

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MARIVAUX.

Comment pourront-ils se soustraire à la tyrannie de leurs serments indiscrets ? Il leur sera également malaisé de se cacher mutuellement leur amour et de se l’avouer l’un à l’autre. Comme le cavalier et la dame du menuet, ils se cherchent en ayant l’air de se fuir. Trop fière pour paraître sensible, Lucile est trop sensible pour n’être pas embarrassée de sa fierté. De son côté, Damis, qui se croit haï et qui est amoureux, sera fort inhabile à contrefaire l’indifférent. Il est cependant trop épris pour manquer de parole à celle qu’il a aimée dès la première rencontre. Voilà deux cœurs embrouillés par une double méprise, et embrouillés, si j’ose dire, par l’excès de leur droiture. Ils ont, sous leurs airs évaporés, une façon quasiment cornélienne de se meurtrir par dignité…. Les héros de Corneille se labouraient l’âme par fierté. Ceux-ci s’égratignent le cœur par amour-propre.

Ce semblant d’hostilité menacerait de demeurer inextricable, si Lucile n’avait une sœur cadette, Phénice, dont la discrète et spirituelle bonté dénoue l’intrigue. M. Orgon, déçu par le peu de goût que Damis montre pour Lucile, agit exactement comme agiraient en pareille circonstance les trois quarts des pères qui visent un gendre. Puisque ce jeune homme ne veut pas de ma fille aînée, qu’à cela ne tienne ! Qu’il prenne la cadette ! C’est une bonne remplaçante ! Ainsi raisonne ce patriarche. L’aimable Phénice, très maligne et très bonne, feint de se prêter à cette volte-face. Elle s’amuse, pour le bon motif à coqueter avec Damis. Et Damis est obligé, par l’étourderie de ses promesses, à jouer un rôle qui