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Avez pris l’imprenable et créé l’impossible ;
Rivaux de ces premiers et hâlés bataillons,
Dont Paris, l’autre jour, dans sa joie indicible,
A recousu de fleurs les sublimes haillons.

Oui, c’est ému d’orgueil que vous reçoit Versaille,
Vous aussi, cavaliers au sabre impatient,
Qu’enchaîna le devoir, mais dont le cœur tressaille
En retrouvant, fêtés, vos frères d’Orient,
De qui vous n’enviez que la longue souffrance,
Les dangers et le sang répandu pour la France. —
Vous enfin, blond espoir des camps, sur qui Saint-Cyr
Ferme encor, pour un temps, son cloître militaire,
Et qui ne demandez, bataillon volontaire,
Que le brillant soleil de Mars, pour vous noircir.
Salut ! l’honneur vous guette au départ… mais que dis-je ?
Il est déjà sur vous, comme il est dans vos cœurs,
Puisque, pour vous parer d’un glorieux prestige,
Un souffle de Crimée à votre tête érige
L’un de nos vaillants chefs mutilés et vainqueurs[1].

Soldats et matelots, frères de toutes armes,
Artilleurs et mineurs, cavaliers, fantassins,
De la ruche guerrière héroïques essaims,
Qui versiez votre sang autant que nous nos larmes,
À force de courage et d’exploits éclatants,
De veilles sous la bombe et de labeurs constants,
Passant de la tranchée aux rudes promontoires,
Assiégés par le mal et le froid et la faim,
Harcelés d’ennemis… dignes de vous enfin,
Vous, héros favoris des futures histoires,
Vous avez ramené, — certes, nous le savions, —
Aux plis de nos drapeaux et de nos pavillons
Le vent de la fortune et des grandes victoires.
Grâce à vous, le canon de Lens, de Marengo.
D’Alger, de Fontenoy, d’Austerlitz ou d’Arcole,

  1. Le brave général de division comte de Monet.