Page:Desmarets - Clovis ou la France Chrétienne.djvu/446

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Ah ! Que nulle esperance au jour ne nous retienne.
Mourons : et si ta honte est moindre que la mienne,
Laisse-moy mourir seule, et souffre qu’en mon sang
Ma main noye et mon crime, et le fruit de mon flanc.
En meurtrissant l’enfant par une juste rage,
Du pere pour le moins je meurtriray l’image.
Hé quoy ? Mon sang en moy combat contre le sien ?
Versons l’un avec l’autre, et ne divisons rien.
Mais ? Je sens contre moy s’émouvoir mes entrailles ?
Et mes yeux, ô ! Mon fruit, pleurent tes funerailles ?
Si mes pleurs malgré moy sortent de leur prison,
La nature les verse, et non pas la raison.
Il faut que de mes flancs moy mesme je t’arrache :
Que comme un ennemy, de moy je te détache.
Et que ne puis-je encor survivre à mon trépas,
Pour en faire à ton pere un horrible repas ?
O ! De fille de rois ravisseur detestable,
C’est toy qui m’as plongée en ce goufre effroyable ;
Quand me vantant Clovis, ses faits, et ses ayeux,
Tu rallumois l’ardeur que je pris dans ses yeux :
Quand tu portois mon ame, helas ! Trop enflammée,
Au plaisir de l’aimer, et de m’en voir aimée.
Tu me fis mediter cet aveugle dessein,
De le tenir au moins par un charme en mon sein :
Quand je perdis l’espoir qu’aimant une chrestienne,
Il quittast sa beauté, pour adorer la mienne.