Page:Desnoiresterres - La jeunesse de Voltaire.djvu/12

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Nous nous étonnons qu’avec un tel ensemble, nul ne se soit avisé jusqu’ici de tenter ce que M. Walkenaer a su faire pour madame de Sévigné. Voltaire, c’est, a-t-on dit, tout le dix-huitième siècle. Avec lui, en effet, plus qu’avec le triste Louis XV, si parfaitement et si obstinément en dehors des événements de son règne et de son siècle, on est mêlé au mouvement des mœurs, au mouvement social, au mouvement littéraire et philosophique de cette époque qui était à la fin d’un monde. Voltaire paraît avec la Régence ; il meurt en 1778, onze ans avant ce 89 qu’il a préparé plus qu’aucun autre. N’est-ce pas là tout le siècle ? Madame de Sévigné a bien vu les surfaces, en femme d’esprit et de bon sens qu’elle était ; mais c’est là tout. Voltaire, lui, aura été partie agissante, moins pourtant qu’il ne l’eût voulu au point de vue des grandes affaires ; mais, en revanche, il aura éveillé, il aura remué les esprits, il aura été le grand prêtre d’une petite Église de philosophes qui aspiraient à devenir hommes d’État, et qui portèrent au pouvoir quelques-uns des leurs. Si l’histoire de ces temps mémorables n’est pas dans la correspondance, où donc est-elle ?

Entraîné par les séductions de la matière, cédant à l’envie de voir réaliser, même par nous, une tâche dont après tout l’utilité nous semblait égaler les difficultés et les périls, nous nous sommes consacré exclusivement dès lors à grossir un dossier déjà si énorme de pièces et de documents de toute nature, et à compléter, si