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II

JEUNESSE DISSIPÉE D’AROUET. — SON PÈRE L’ENVOIE EN HOLLANDE. — OLYMPE DUNOYER.

Arouet avait seize ans. Son père, esprit positif, aimant les lettres, mais comme une distraction, mais comme un délassement et une récompense du travail, n’entendait pas que celui-ci fît de la poésie sa principale affaire. Lorsqu’il fut question du choix d’un état : « Je n’en veux pas d’autre, s’écria le futur auteur de Zaïre, que celui d’homme de lettres. — C’est, lui répondit le payeur de la chambre des comptes, l’état d’un homme qui veut être inutile à la société, à charge à ses parents, et qui veut mourir de faim[1] ; » et le poëte fut envoyé aux écoles de droit. Ce contraste entre les élégances de la belle latinité, entre les splendeurs de la langue de Corneille, de Racine, de Bossuet et cet idiome barbare, ce jargon baroque, sous lequel la loi se cachait comme si elle eût eu besoin de cette sorte d’aide pour être le plus souvent inintelligible, était bien fait pour rebuter un délicat, amoureux de poésie et de beau langage. « Il fut si choqué, dit-il, en parlant de lui, dans son Commentaire historique de la manière

  1. Duvernet, Vie de Voltaire, (Genève, 1786), p. 22.