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FIN DE L’AVENTURE.

contre, il les congédia ; mais que faire de la voiture et des chevaux ? Le concierge attacha en dehors le carrosse avec une chaîne et mit les deux survenants à l’écurie du payeur de la chambre des comptes, écurie étroite qui n’était faite que pour un cheval. On comprend dès lors la mauvaise humeur du titulaire, forcé de partager avec deux intrus sa paille et son avoine. M. Arouet est réveillé, à trois heures du matin, par un tapage infernal ; il s’informe de la cause de ce sabbat, monte, furieux, dans la chambre de son fils et le met à la porte de chez lui. Ce n’était résoudre qu’une partie du problème : restaient les chevaux, restait le carrosse. Le portier du palais les attelle, et son jeune fils, appelé Fleurot, les mène chez un charron, qui consent à en débarrasser le poëte à moitié prix. « Cette espièglerie, nous dit Paillet de Warcy, quoique contestée par quelques partisans de l’auteur, n’en est pas moins de toute vérité[1]. »

Nous le voudrions d’autant mieux qu’elle n’entache guère la réputation d’Arouet, mais, en retranchant à l’anecdote ce qu’elle a de manifestement inexact, nous ne voyons pas trop ce qu’il reste. Voltaire ne pouvait avoir la pensée de faire pénétrer sa voiture dans l’intérieur de la cour où le payeur des épices n’avait pu trouver place pour son équipage. Arouet, qui avait deux berlines et un chariot, avait ses remises dans la maison de M. de la Saullé « à la détour du palais, » comme nous l’apprend l’inventaire. Quant à l’écurie,

  1. Paillet de Warcy, Histoire de la vie et des ouvrages de Voltaire (Paris, 1824), t. I, p. 14, 15. — Lepan, Vie de Voltaire (Paris, 1824), p. 60, 61, 62. Voltariana (Paris, 1758), p. 553, 554.