Page:Desnoiresterres - La jeunesse de Voltaire.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
DU FOND D’UN YACHT.

vèrent un yacht qui devait les conduire à Anvers ou à Gand, Le temps était beau, le vent favorable, la table convenablement approvisionnée de pâtés et de jambons avec du vin à l’avenant, les lits aussi bons qu’on les pouvait désirer. Si l’on n’eût pas été amoureux, l’on eût fait comme M. de M***, l’on eût bu, l’on eût mangé et dormi tout son saoul. Mais Arouet n’avait garde de s’apercevoir qu’il fût dans la compagnie d’un bon pâté et d’un homme d’esprit. Sa lettre du 19 décembre est datée « du fond d’un yacht ; » en effet, tandis que son compagnon digérait et sommeillait de son côté, il écrivait à sa maîtresse.

… La première chose que je ferai, en arrivant à Paris, ce sera de mettre le père Tournemine dans vos intérêts, ensuite je rendrai vos lettres ; je serai obligé d’expliquer à mon père le sujet de mon retour, et je me flatte qu’il ne sera pas tout à fait fâché contre moi, pourvu qu’on ne l’ait point prévenu ; mais, quand je devrais encourir toute sa colère, je me croirai toujours trop heureux, lorsque je penserai que vous êtes la personne du monde la plus aimable, et que vous m’aimez. Je n’ai point passé dans ma petite vie de plus doux moments que ceux où vous m’avez juré que vous répondiez à ma tendresse ; continuez-moi ces sentiments autant que je les mériterai, et vous m’aimerez toute votre vie.

Il espérait qu’on prendrait la route d’Anvers où Olympe avait dû lui adresser quelques lignes, ce fut celle de Gand qu’ils suivirent. Il jeta sa lettre à la poste de cette dernière ville, et, comme ils en étaient convenus, à l’adresse de madame Santoc de Maisan. Le reste du voyage se fit sans le moindre incident, et ils arrivaient à Paris la veille de Noël. Son premier soin fut d’aller trouver le P. Tournemine, qui était déjà