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DÉPART.
Arouet, je te le demande au nom de ce qu’il y a de plus tendre, c’est-à-dire au nom de l’amour que j’ai pour toi. Adieu mon aimable enfant ; je t’adore, et je te jure que mon amour durera autant que ma vie !
Dunoyer.

P. S. Au moins, si je n’ai pas le plaisir de te voir, ne me refuse pas la satisfaction de recevoir de les chères nouvelles[1].

Il y a là de la passion, de la résolution, quelque chose de quasi maternel. Pimpette, qui avait déjà aimé, qui savait la vie, se sentait supérieure à son amant et par l’âge et par l’expérience. Elle appelle Arouet « son cher, son aimable enfant. » Aussi est-ce elle qui combine et qui exécute. Après qu’Arouet a renoncé à toute espérance de se revoir, elle en trouve les moyens, et c’est elle encore qui ira à lui, en passant par dessus tous les obstacles et les périls. Si cette dernière entrevue ne fut pas traversée, elle eut lieu le 17 décembre, qui était effectivement un dimanche ; car le poëte quittait la Haye le 18, à huit heures du matin, sous la conduite de M. de M***. Lefèvre les accompagna jusqu’à Rotterdam et se chargea de donner des nouvelles à mademoiselle Dunoyer. Là ils trou-

  1. C’est à l’obligeance de notre savant ami, M. Paul Lacroix que nous sommes redevable de l’indication de cette curieuse pièce, perdue dans un ouvrage tout à fait oublié, le Miroir des Salons, de madame de Saint-Surin (2e édition, 1834), p. lxxvii, lxxviii, lxxix. Cet autographe provenait de la collection de M. de Monmerqué, qui devait épouser plus tard l’auteur du Miroir. Il paraîtrait, à en croire la note placée en tête de ce billet, que Voltaire le portait sur lui, quand il fut mis à la Bastille (1717). Madame de Saint-Surin nous avertit qu’elle a rétabli l’orthographe, car Olympe en était aussi complètement dépourvue que toutes les femmes de son temps. C’est là une peine dont on l’eût volontiers dispensée.