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Page:Desormeaux - La Plus Heureuse Femme du monde.pdf/101

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maison, j’aperçus à la grille du Luxembourg, droit comme un piquet, les yeux braqués devant lui, mon domestique, que la curiosité, ou peut-être aussi l’idée de son devoir, je ne sais lequel, retenait cloué à la même place où il m’avait laissée… Les avertissements dédaignés de Saint-Jean me revinrent à l’esprit… En effet, tout cela n’était pas aussi facile que je l’avais imaginé !

Et quand renfermée dans ma belle voiture, qui me ramenait avec la rapidité de l’éclair à mon somptueux hôtel, je me pris, dans l’amertume des souvenirs que je remportais de ma visite, à comparer mon sort à celui de Marie… de ma sœur enfin !… son petit logement mansardé, carrelé, sa chambre à coucher (son salon tout à la fois) garnie de rideaux de calicot blanc, de pauvres meubles de noyer, avec les riches tentures, les épais tapis, le luxueux ameublement, la magnificence de mes vastes appartements… sa vie humble et laborieuse… avec ma vie parée, toute bariolée de plaisirs et de fêtes… en songeant à tout cela, mon cœur se brisait…

Pour la première fois de ma vie je venais de pénétrer dans l’intérieur d’un ménage d’artisans ! Et à mes yeux, si ce n’était pas là la misère hideuse et repoussante, c’était la pauvreté propre et rangée, rien de plus… le dénûment le plus complet du confortable, de tout ce dont je n’aurais jamais imaginé qu’on pût se passer !