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Page:Desormeaux - La Plus Heureuse Femme du monde.pdf/122

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eux pauvres, m’asseoir à leur modeste foyer ; parce que moi, grande dame, eux petits, je les nommais mes amis, je leur rendais affection pour affection. Et à cause de si peu, en retour de ce peu, leur reconnaissance, leur dévouement passionné pour moi, n’auraient eu d’autres bornes que l’impossible !

Dans notre monde, Aline, il ne faut pas se faire illusion, on ne trouve pas cela.

Eh bien ! à peine cette noble récompense m’était acquise, à peine ces douces jouissances je les possédais, que de ce beau ciel serein surgit tout à coup l’ouragan qui dispersa, qui faucha tout autour de moi, et me laissa seule au milieu des ruines de mon bonheur, de mon repos… pour pleurer toujours !… La fatalité est inexorable !

Peu avant ce malheureux événement, un bien singulier incident était venu ajouter encore à l’étrangeté des circonstances dans lesquelles je me trouvais jetée depuis six mois.

Un jour, je causais avec Marie, le coude appuyé sur sa petite table à ouvrage où, avec d’autres objets, se trouvait posée une lettre sur laquelle par hasard mon regard s’arrêta : elle était adressée à M. Julien Thibaut, et portait le timbre de Grenoble.

Rien n’est plus simple en apparence que cela ; et cependant le rapprochement du nom de la personne, de celui de la ville d’où cette lettre était partie, en frappant ensemble mes yeux, produisit sur moi l’effet d’une