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Page:Desormeaux - La Plus Heureuse Femme du monde.pdf/155

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lent pour le dessin ; et pour eux l’avenir avait encore des promesses !

Tout cela était décidé forcément en dehors du concours de celui dont nous disposions ainsi du sort. Il fallait cependant qu’il y consentît, et par l’effet des bonnes dispositions inspirées au procureur général, la permission me fut accordée d’accompagner Marie à la Force. Je ne vous parlerai pas de ce que j’éprouvai en entrant la première fois dans cet horrible lieu… j’étais la moins à plaindre.

Pauvre, pauvre Julien, comme il était changé !… Mon Dieu ! sur ce front si jeune, des rides précoces… Cette physionomie que j’avais vue animée de tant de vivacité intelligente, du feu de l’inspiration, exprimait le désespoir, l’affaiblissement… Dans sa taille voûtée, dans la langueur de ses mouvements, sur tout lui, étaient les terribles stigmates des soucis rongeurs, des mortelles anxiétés de la dévorante solitude du cachot, de la séquestration… cette mort anticipée ! Trois mois à peine s’étaient écoulés… dix années semblaient avoir passé sur la tête du prisonnier.

En me voyant entrer, l’ardent, l’énergique jeune homme d’autrefois pleura… Et, une main posée sur son cœur, l’autre étendue avec un geste passionné vers le petit point bleu du ciel qu’on apercevait à travers les épais barreaux d’une ouverture d’un pied carré :

— Il n’y a que Dieu qui puisse vous récompenser ! me dit-il avec une expression profonde.