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Page:Desormeaux - La Plus Heureuse Femme du monde.pdf/159

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fants, une famille d’adoption de toute sa vie qui lui manquaient.

Nous les pleurâmes ensemble, avec mon bon Saint Jean pour qui je n’avais plus de secrets ; maintenant je pouvais parler d’eux, lui lire les lettres, que, sous son couvert, je recevais de nos chers voyageurs de toutes les villes sur leur passage.

Ce départ que j’avais voulu, auquel j’avais contribué par tous les moyens qui étaient en mon pouvoir, me surprenait comme un malheur imprévu ! À présent que le sacrifice était consommé, je ne concevais pas que j’eusse eu le courage de l’accomplir : tant que le danger de mes amis avait duré, le moi, ce honteux sentiment d’égoïsme qui se mêle, à notre insu, à toutes nos affections, avait sommeillé… je me réveillais désespérée ! Ils étaient sauvés, ils étaient heureux et je pleurais… et je me demandais comment j’avais pu consentir à leur éloignement, ce que je ferais désormais de ces heures que j’avais pris la douce habitude de leur consacrer, comment j’avais pu me priver volontairement de cet intérêt si puissant dans ma vie ? Je regrettais jusqu’à ces jours d’alarmes, de souffrances partagées avec eux !… Cet isolement, ce calme qui succédaient tout à coup à l’agitation, à des émotions si vives, si multipliées, ce n’était pas le repos, c’était autour de moi l’affreux silence de la mort.

Quand Albert le généreux Albert, revint de Lausanne, j’étais insensée de regret, de chagrin.