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Page:Desormeaux - La Plus Heureuse Femme du monde.pdf/161

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sances : « Si vous ne nous manquiez pas, vous, notre chère et tant regrettée Hélène, nous oublierions ici que le malheur, que les peines existent sur la terre, » m’écrivait-elle six mois après son départ ; « je suis effrayée de mon bonheur !… qu’ai-je fait ? Comment ai-je mérité les biens dont Dieu me comble ?… Vous connaissez les délices de mon intérieur de famille, joignez à cette pure félicité intime la position inespérée de bien-être dont je vois jouir mon cher mari, nos enfants chéris, dont ensemble nous jouissons dans le plus admirable pays du monde, et voyez, chère bien-aimée, si je ne suis pas une heureuse créature, la privilégiée de Dieu ! »

Et involontairement, en regard du suave et riant tableau tracé par l’heureuse Marie, j’opposais mon isolement au milieu des miens… le bonheur mensonger, des félicités mensongères que m’avait procurés la fortune à moi… « Moi aussi, m’écriai-je en pleurant avec amertume, moi aussi dans la médiocrité, sur la terre d’exil, par delà les mers, partout, partout, mais unie à l’homme de mon choix, mais abritée avec mes enfants dans son amour, et je me proclamerais la privilégiée de Dieu ! » J’avais alors des heures de désespoir à briser tout mon courage, toute ma résignation ; car jamais, et vous le comprendrez bien, Aline, je ne m’étais sentie si isolée que depuis le départ de mes amis, ma famille d’adoption, comme aussi plus désaffectionnée de mon intérieur…