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Page:Desormeaux - La Plus Heureuse Femme du monde.pdf/165

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Mon Dieu ! quelle persécution amena la découverte que j’étais autre chose qu’une machine à projets, à ambition… que je pourrais avoir une volonté, une préférence, un attachement qu’on ne m’avait pas imposé ?… C’était un événement tout à fait inattendu, une énormité dont ma mère ne comprenait pas l’audace. Par la douceur et la persuasion, elle aurait tout obtenu de moi, l’idée ne lui en vint pas : cette manière n’était pas la sienne.

Un matin, épuisée par la fatigue des veilles, de ces dévorantes distractions dans lesquelles je cherchais l’oubli de mes tourments, j’étais retirée au fond de mon appartement, dans ce délicieux recoin à moi toute seule, que vous connaissez,

Là je rêvais tristement… Ma pensée soucieuse remontait aux jours de mon enfance écoulés sans joies, sans bonheur… Je parcourais les jours passés depuis dans ces brillantes prospérités tant enviées, où, pour fuir mon malheur, je me sauvais chez moi… Puis, comme pour me torturer à plaisir, je retournais le fer dans la plaie : j’interrogeais l’avenir… cet avenir froid et décoloré qui s’ouvre devant moi dans cette longue vie sans poésie, sans illusions, sans amour, que m’avaient faite les convenances, qu’il me fallait parcourir côte à côte avec cet homme qu’on appelait mon mari, et qui n’était cependant ni mon soutien, ni mon guide, ni mon ami… avec ce maître, rien qu’un maitre, dont j’étais alternativement ou le jouet ou l’esclave,