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Page:Desormeaux - La Plus Heureuse Femme du monde.pdf/168

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mais si vous aviez ce malheur, qui en est toujours un très-grand pour une femme, il ne faut pas y ajouter le ridicule de faire du sentiment en faveur de M. Morrans

— Il est certain, répliquai-je, révoltée de ce ton de dédain envers un jeune homme honorable, et dont l’origine me semblait un titre de noblesse suffisant, est certain que madame Duval, la femme d’un bourgeois enrichi…

— Oh !… ce que vous dites là est impitoyable, ma dame !… Croyez-vous donc que c’est de gaieté de cœur que je me le suis donné pour gendre ?… interrompit avec hauteur la marquise de Lestanges. Cette dure, cette blessante nécessité… je l’ai subie, sachez-le : la fille d’un joueur ruiné ne trouve pas de mari parmi les gens de notre condition… et voilà ce qu’était votre père ! Vous êtes la seule dans Paris qui ignoriez cela !

Je l’ignorais en effet ! Dans aucun temps ma mère ne m’avait accordé sa confiance. J’étais toujours restée étrangère à nos affaires de famille. Pour la première fois cette triste circonstance n’était révélée. Maintenant aussi, le trouble, la préoccupation profonde de mon pauvre père le jour de ma première entrevue avec mon futur mari, m’étaient expliqués… Ah ! oui, il y avait dans le fait de ce mariage, pour le marquis de Lestanges, un remords, une terrible expiation !… Lui qui n’avait pas cru qu’il lui fût possible d’élever jusqu’à lui Thérèse Hubert, sa victime… vingt ans plus tard,