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Page:Desormeaux - La Plus Heureuse Femme du monde.pdf/27

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nature m’a faite aimante, expansive, exaltée ; je n’avais ni sœur, ni frère, personne sur qui éparpiller mes affections, et j’adorais ma mère : j’aurais voulu me réfugier sur son cœur, lui dire ce qu’il y avait dans le mien de tendresse pour elle, lui raconter mes joies et mes tristesses, mes petites tribulations d’enfant, en être plainte, consolée, approuvée, et je ne l’osais… Jamais un regard d’amour, un moment d’expansion d’elle à moi n’autorisait ces hardiesses !…

Oh ! que cette cruelle roideur m’a fait souffrir ! et que de fois, jeune fille, dans le vide qui m’entourait, il m’a semblé que je pleurais ma mère morte !

Je vous l’ai dit, Aline, je vais vous poser à mes côtés, chez mes parents, chez mon mari ; autrement les choses, car je n’ai pas d’événements à raconter, moi, la plupart de ces choses qui ont empoisonné toute ma vie, vous seraient incompréhensibles…

À sept ans j’entrai au couvent du Sacré-Cœur, où j’ai été élevée. Ma mère venait me voir régulièrement tous les mois, s’informait de mes progrès, me recommandait d’apprendre à saluer plus posément, d’avoir à mieux soigner mes ongles affreusement faits, mes cheveux toujours ridiculement ébouriffés, et en général ma toilette beaucoup trop négligée ; cela dit, elle appuyait le bord de ses lèvres sur mon front, et sa visite était terminée.

Quelquefois mon père l’accompagnait. Lui, qui n’avait pas comme ma mère un joli chapeau, un voile,