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Page:Desormeaux - La Plus Heureuse Femme du monde.pdf/28

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une collerette, que sais-je, à garer de la pétulance de mes caresses, de mes maladresses, me laissait volontiers me pendre à son cou, et ne me grondait pas, et pourtant je préférais ma mère… Je la trouvais si belle, noble, imposante ! ce qui était vrai ; j’étais fière de ma mère.

Pendant les huit années que j’ai passées au couvent, je suis sortie huit fois. Le premier de l’an, Saint-Jean (je vous reparlerai de mon vieux Saint-Jean), muni d’une lettre de ma mère, venait me chercher.

C’était un événement dont l’attente seule me causait des semaines à l’avance, des vertiges de joie : la nuit qui précédait le grand jour, je comptais toutes les heures, et quand enfin, ma toilette faite, la messe entendue, notre congé commençait, moi, je m’échappais, je courais à une fenêtre que j’avais découverte, à laquelle je ne parvenais que par des stratagèmes inouïs, et d’où je plongeais dans la cour extérieure ; je pouvais apercevoir dans la rue… C’était déjà du bonheur !

Je me vois encore le visage collé contre le sale grillage qui la garnissait, guettant avec une impatience fiévreuse tout ce qui se passait. À dix heures sonnantes, une voiture franchissait la grille : une tête blanche, souriante, se montrait à la portière, les yeux fixés vers mon observatoire… Je poussais un cri délirant, et, légère comme un oiseau, je reprenais ma course à travers les corridors et les escaliers, et je