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Page:Desormeaux - La Plus Heureuse Femme du monde.pdf/37

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Cela dit, ma mère se leva, me donna un baiser sur le front, me congédia, et je me retirai toute tremblante.



V


C’était de l’étonnement d’abord, sans plaisir ni peine. L’intérieur glacé, déshérité de tendresse de mes parents, ne m’avait pas préparée à espérer d’ineffables jouissances dans cette communauté d’intérêts ; sous le même toit, à mes yeux, constituait toutes les obligations contractées par le mariage, tous les liens qui existaient entre les époux : un mari, une femme, c’était mon père, c’était ma mère, et pour être ce qu’ils me paraissaient l’un vis-à-vis de l’autre, il n’était pas nécessaire de s’aimer, de se connaître.

J’étais trop bien ignorante de toutes choses, pour que ce nom bourgeois de Duval sonnât désagréablement dans ma mémoire ; ma pensée ne s’arrêta pas davantage sur les rapports d’âge, de caractère, de goûts, de sympathies qui, bien autrement que la fortune, sont des conditions essentielles de bonheur réel, dans cette vie à deux de toutes les heures, de toutes les secondes… Je n’y songeai même pas.

Au contraire, mes idées, confuses d’abord, prirent bientôt une teinte décidément rose. J’entrevis dans ma nouvelle position la réalisation des chatoyants