Aller au contenu

Page:Desormeaux - La Plus Heureuse Femme du monde.pdf/38

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rêves un moment suspendus : j’aurais une loge aux Italiens, à l’Opéra, partout ! J’aurais une voiture à moi, j’irais dans le monde, au bal tous les jours !… Et je m’endormis doucement bercée dans mes délicieux projets d’avenir.

Toute la matinée du lendemain je les repassai avec ravissement. Que n’aurais-je pas donné à cet instant pour avoir une compagne de mon âge, à qui je pusse communiquer tout ce qu’il y avait en moi de trouble, de sensations, d’impatiences de mille choses !

Je voulus bien comme à l’ordinaire m’occuper, et je me mis à dessiner dans le petit coin de ma chambre, où à l’aide d’un paravent, je m’étais installée ce que j’appelais, pompeusement mon cabinet d’étude ; mais je ne faisais que gribouiller, ma main tremblait, l’oreille au guet, j’écoutais tous les bruits ; je suivais toutes les heures qui sonnaient à l’horloge de Sainte-Valère.

Une chose m’étonnait beaucoup, et j’éprouvais la fièvre d’attente à mesure que le temps s’écoulait, c’était qu’Angélique ne vînt pas me faire une seconde toilette… Je regardais avec une sorte d’inquiétude ma robe de guingan à mille raies lilas, passablement chiffonnée, mon petit tablier de taffetas vert assez fané… Et puis aussi, comme à l’ordinaire, coiffée depuis le matin, mon agitation, la chaleur, avaient fait retomber mes cheveux en longs tire-bouchons défrisés, et je trouvais qu’ils me seyaient mal ainsi… Comme nous