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Page:Desormeaux - La Plus Heureuse Femme du monde.pdf/72

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sueur mouiller mes cheveux. Pour comprendre cette impression, il faut se reporter à l’ancien temps ; tout cela n’existe plus aujourd’hui. Oh ! c’est que, voyez-vous, madame, jadis le foyer de vos nobles maisons était de père en fils le foyer de leurs serviteurs ; là ils naissaient et mouraient, et, en retour, ils s’identifiaient corps et âme avec les intérêts, l’honneur, la considération, la dignité, la gloire de leurs maîtres ; confondaient dans un même sentiment leur orgueil, leur amour-propre, avec celui de leurs maîtres ; les belles actions de leurs maîtres, ils s’en glorifiaient ; leurs erreurs, ils les couvraient du silence ; leurs querelles, ils les épousaient ; leurs injures, ils les vengeaient. Ces sentiments, ces principes avaient été inoculés en moi avec la vie : l’union de Marie… avec un ouvrier me froissait dans des croyances, dans des idées aussi vieilles que moi.

À cette conclusion, je ne puis exprimer ce qui se passa en moi : il me semblait voir frapper d’un outrageux revers de main sur le vieil écusson des Lestanges… Je croyais ouïr une insulte jetée à la face de leur lignée :

— C’est impossible ! m’écriai-je.

Thérèse, les yeux attachés sur moi, avait tout vu, tout deviné, tout saisi… Elle reprit avec sa douce voix, d’un ton incisif et profondément triste :

— Julien Thibaut a fait l’honneur à la fille de Thérèse Hubert… de la demander en mariage… Plus heu-