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Page:Desormeaux - La Plus Heureuse Femme du monde.pdf/81

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peut se dépeindre, madame… moi, je comprenais tout !…

Marie était là, devant moi, pâle maintenant, anéantie : ses regards erraient sur les murs lambrissés de cette chambre… s’arrêtaient, fixes et profonds, d’un meuble à un autre… se reportaient de la cheminée de pierre où brûlaient soigneusement enterrés deux tisons… à la petite table recouverte d’une toile cirée sur laquelle, près d’une lampe de cuivre, était posée la dentelle qu’elle raccommodait… autour d’elle, l’abaissement, la pauvreté. Et sa main serrait convulsivement le portrait de son père… le marquis de Lestanges…

— Mon Dieu ! mon Dieu ! murmura-t-elle avec une expression déchirante en élevant ses yeux noyés de pleurs vers le ciel… Elle y fut entendue.

Son regard, en retombant, rencontra le berceau de son fils endormi… Elle se leva, se jeta à genoux devant le portrait de sa mère, dessiné par Julien :

— Pardon ! pardon, ma vénérée mère ! s’écria-t-elle. Mon bon, mon cher mari ! mon enfant bien-aimé ! Oh ! le sort que lu m’as fait, ma sainte mère, je ne l’échangerais pas pour celui d’une reine !

Puis, d’un mouvement heurté, elle se releva, prit la lettre, le titre aussi… l’éleva au-dessus du tube de la lampe, le réduisit en cendres… saisit le portrait, en arracha le verre, imprima ses lèvres sur l’ivoire… et par un dernier effort désespéré, en effaça l’empreinte avec sou mouchoir trempé de larmes.