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Page:Desormeaux - La Plus Heureuse Femme du monde.pdf/83

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— Jamais ma mère ne m’en a parlé, répondit-elle.

— Et toi, tu ne l’as jamais questionnée à ce sujet ?

— Une fois seulement. Et voici à quelle occasion :

J’étais encore tout enfant, j’avais six ans, je crois ; ma pauvre bonne mère me conduisait le plus souvent qu’elle le pouvait au jardin du Luxembourg, pour me faire prendre de la distraction et de l’exercice. C’était un dimanche après le dîner, elle se promenait avec moi, nous rencontrâmes une petite fille accompagnée de sa bonne ; elle m’accosta, et toutes deux nous nous mîmes à courir, à sauter à la corde, devant ma mère qui nous suivait.

Une jeune femme, l’air heureux, souriant, appuyée sur le bras d’un jeune homme, parut au bout de l’allée ; ma petite compagne s’élança au-devant d’eux en criant : Maman ! papa ! en se jetant des bras de l’un dans ceux de l’autre.

Je m’étais arrêtée et la regardais faire… Je me retournai… ma mère venait seule, triste… je courus à elle, mes idées étaient confuses… Je venais pour la première fois de voir une place vide à ses côtés… de m’apercevoir qu’il manquait quelqu’un entre nous !

Les impressions de l’enfance restent ineffaçables ; je sens encore la pression de sa main tremblante en m’entraînant dans une autre allée, pour fuir cette vue qui, à elle, brisait son cœur !…

Et moi, ignorante enfant, j’y retournai le fer !