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Page:Desormeaux - La Plus Heureuse Femme du monde.pdf/98

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l’humble ouvrière, qui indiquait ingénument qu’elle ne pouvait présumer que je vinsse chez elle pour autre chose que pour lui apporter de l’ouvrage…

Cet état d’infériorité où Marie se plaçait si naturellement à mon égard, me faisait un mal affreux !

Pour conserver la force de me taire, de résister à lui ouvrir mes bras… je n’osais la regarder. Et quand mon émotion fut un peu calmée, que mes regards abaissés se relevèrent sur Marie, assise un peu de côté en face de moi : son charmant et gracieux visage ne m’était pas inconnu… ses traits, le contraste si remarquable surtout de ses yeux d’un noir velouté, avec la couleur châtain doré des cheveux, m’étaient familiers… Où donc l’avais-je déjà vue ?… Mais bientôt mes ressouvenirs d’abord vagues et confus se reportèrent à un beau portrait de grandeur naturelle, fait par la célèbre madame Lebrun, placé au-dessus du bureau de mon père dans son cabinet.

C’était celui de sa sœur bien-aimée, la chanoinesse Hélène, peinte à seize ans, morte à dix-huit…

Hélas ! des deux jeunes filles élevées ensemble au château des Tremblayes, l’une, comblée des dons de la naissance et de la fortune, belle, parfaite, adorée, à dix-huit ans était allée ensevelir son bonheur dans la tombe… L’autre, belle aussi, parfaite aussi, mais pauvre… avait expié jusqu’à trente-quatre, le malheur d’avoir été belle et pauvre… mon Dieu !

Jamais, Aline, il n’a existé de ressemblance plus