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avec les plus vives instances. La suppuration s’établit sans orage. La playe ne fut pensée[a 1] que de deux jours l’un tout simplement avec de la charpie humectée d’un mélange d’eau tiède avec un huitième d’eau de vie. Tout alla si bien qu’en moins de trois semaines, le blessé voulut s’en retourner chez ses parens à plus de trois milles du lieu ou il étoit. N’étant plus à ma portée ni à celle de mon confrère avec lequel je l’avois opéré, je le confiai aux soins de Monsieur Follet, chirurgien à Estrée-Saint-Denis, dont je conoissois le zèle. Il continua de panser la playe avec de l’eau tiède légèrement animée d’eau de vie jusqu’au 22 may qui étoit le 52e jour de l’accident et le 49e depuis l’opération. La plaie avoit continué de fournir un pus de bonne qualité, on avoit éloigné les pansements, le malade avoit usé de quelques alimens légers, il avoit bon appétit, se trouvoit bien. Il n’avoit point éprouvé de fièvre ni de frisson depuis l’opération. Chaque jour, il se levoit et passoit une partie de la journée assis auprès du feu, on m’a même assuré qu’on l’avoit vu se promener plusieurs fois dans la rue. Il s’étoit plaint pendant le cours du traitement que d’un léger engourdissement derrière la tête. À cette époque, le 22 may, les choses changèrent de face. Le blessé s’étant gorgé d’alimens grossiers, il eut, l’après midi du même jour, une indigestion qui le fit vomir cruellement pendant 24 heures. Dès ce moment, il ressentit des douleurs violentes dans toute la tête et principalement à l’occiput et à la fosse temporale gauche. L’intensité des douleurs étoit encore augmentée par les efforts du vomissement.

Le lendemain 23, Monsieur Follet trouva que la plaie supposoit moins que de coutume, et ce qu’elle rendoit, étoit séreux et de mauvaise odeur. Le vomissement étoit moins fréquent, les douleurs de tête modérées, excepté à l’occiput et à la région temporale gauche, où elles conservoient toute leur violence. Le malade fut mis à la diète la plus stricte, aux boissons délayantes et aux lavemens. Je ne puis voir le blessé que le 26 c’est-à-dire le 4e jour de son indigestion et des circonstances dont je viens de parler. Je le trouvai assez calme, il n’avoit point de fièvre, sa plaie étoit aux trois quarts cicatrisée, et ce qui ne l’étoit pas me parut sec. La douleur à l’occiput et à la région temporale gauche continuoit avec violence, je craignis une métatase. En conséquence, je prescrivis un digestif attractif très irritant pour rappeller la suppuration vers la plaie ; et pour déterminer une révulsion plus grande dans les parties éloignées de la tête, je mis en usage les purgatifs et pédiluves, quelque chose que nous pûmes faire. Le jeune homme tomba dans les accidens les plus formidables. Le 1er juin, ayant un délire furieux et des mouvemens convulsifs qui affectoient les extrémités, tant supérieures qu’inférieures principalement du côté gauche, ce qui a continué jusqu’à sa mort arrivée le 2, qui étoit le

  1. Orthographié « panser » dans la même page.