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douzième jour de son indigestion et le 63e depuis la playe du front.

À l’ouverture du crâne nous trouvâmes un abscès dans la profondeur du lobe droit du cerveau aboutissant antérieurement à la fracture, dont il n’étoit séparé que par la dure mère, qui étoit beaucoup plus épaisse et en quelque sorte dénaturée en cet endroit. Le plus grand diamètre de ce dépôt purulent étoit d’avant en arrière de forme ovale et équivalent par son étendue au volume d’un œuf de poule d’Inde. Les parois de ce foyer étoient unis, lisses et d’une consistance trois fois plus grandes que le reste du cerveau : la couleur étoit comme celle de la matière qu’il contenoit d’un blanc pâle, mais bien liée et sans odeur. Cet abcès étoit couché immédiatement sur le ventricule droit, dans lequel il s’étoit ouvert, aussi trouvâmes-nous le dernier inondé d’un pus semblable, ainsi que le ventricule gauche, et de la partie postérieure de celui-ci, il s’étoit frayé une route à travers les deux substances jusques sous la dure mère, dans la région temporale du côté gauche, où le blessé rapportoit le siège des plus violentes douleurs de tête. La dure-mère présenta plusieurs tâches noires dans cet endroit, ainsi que dans plusieurs points de son étendue et, entre autres, une fort remarquable sur l’apophise basilaire de l’os occipital. C’est tout ce que nous observâmes aux parties molles. Mais dans les parties dures, nous trouvâmes qu’une languette osseuse faisant partie du fond de la voûte orbitaire s’éloignoit du plan de cette voûte d’arrière en avant et avoit poussé la dure-mère contre le cerveau. Celui-ci en ayant été déprimé nécéssairement, nous vîmes que le foyer purulent, dont je parlois à l’instant, commençoit précisément au lieu même de cette dépression. Il y a apparence que cette languette osseuse, qui s’écartoit du fond de la voûte orbitaire d’arrière en avant, avoit été entraînée en dedans lors du coup avec la partie antérieure de la même voûte et de l’arcade sourcilière. Ces derniers ont donc fait avec la dite languette osseuse un angle saillant du côté du cerveau et rentrant du côté de l’orbite. Il suit de là que le remplacement orbitaire antérieur n’a pas ramené la languette osseuse dans la situation naturelle, quoique l’éclat de bois lancé par la poudre à canon l’eut détachée du fond de l’orbite, tout-en enfonçant l’arcade soucilière et la partie anterieure de la voûte orbitaire contre le cerveau. Ce fut un malheur pour le blessé sans doute, qu’aucun signe ou symptôme n’ait fait soupçonner qu’une portion osseuse du fond orbitaire plongeoit contre le cerveau, car il n’eut pas été impossible d’y remédier.

Puisse du moins ce malheur mettre les practiciens sur leur gardes en semblables circonstances et leur rapeller qu’une substance aussi friable et aussi minée que la voûte orbitaire peut se retrouver déplacée dans un lieu plus éloigné que celui qui est visiblement enfoncé.