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séparé étoit sec.

Tout considéré, mon avis fut qu’il falloit abandonner à elle même l’[état] gangrène sèche, dont la plus grande partie du gros doigt étoit frappée. J’osai assurer que la nature en opéreroit la séparation, si nous parvenions à conserver l’espèce de moignon que présenteroit le premier et du métatarse. Aux onguents qu’on employoit, je fis substituer l’huile de térébenthine pour panser l’orteil gangréné et sur le reste (qui conservoit encore un vestige apparent de vie, ou ce que je présumois être ainsi) une fermentation d’eau chaude animée avec l’eau de vie camphrée, pour en faire la base du pansement. Je recommandai sur toutes choses que la partie malade fut entretenue dans une chaleur et une humidité constantes. Monsieur Pate se préta volontiers à mes vues, et nous éprouvâmes la satisfaction l’un et l’autre de voir la mortification ne faire plus de progrès, la séparation de la première phalange, dont j’ai parlé, se faire aussi dans son milieu, sans procédé opératoire de notre part. La nature fit seule ce retranchement en six semaines. Enfin, la base de la première phalange du gros orteil resta uni au premier os du métatarse et celui-ci solidement réuni à son voisin. Depuis ce tems là, ce jeune homme, charron[a 1] de profession, âgé alors d’environ 25 ans, non seulement s’appuie comme auparavant sur la partie qui a été si grièvement blessée, mais encore il s’en sert avantageusement pour obéir aux différents mouvemens du pied, ainsi que pour fixer les pièces de bois qu’il veut soumettre aux règles de son art.

Ce succès m’a suggéré des idées, que je me propose de vérifier par des expériences suivies, que je compte faire sur quelques animaux. Trois grands moyens composeront l’appareil de ma synthèse. Le contact réciproque des parties diéresées fera la partie essentielle du premier ; la chaleur et l’humidité feront le second et le troisième. Je suis si pénétré des effets opposés de la chaleur et du froid et de la différence de ceux qui résultent du sec et de l’humide et enfin de leur influence respective sur les solides et les fluides des corps animés, que j’espère entier des inductions propres à me diriger dans les expériences que j’ai en vue et dont j’aurai l’honneur de rendre compte à l’Académie toujours prête à accueillir les efforts même insuffisans de ceux qui s’occupent avec quelque zèle des progrès d’un art qui lui doit sa plus grande splendeur.

Si pourtant elle estime que les aperçus fondés sur ce que je viens d’indiquer ne suffisent pas

  1. Rature de « menuisier », insertion de « charron » sur l’interligne supérieur.