Page:Desperiers - Cymbalum mundi, Delahays, 1858.djvu/12

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réimpriment tous les mois. Nous en avons cinq qu’on ne lit plus ou qu’on ne lit guère : Rabelais, Marot, Des Periers, Henri Estienne et Montaigne, et il en est deux dont personne n’a jamais vu tous les ouvrages. Pour se former une collection bien entière des petits chefs-d’œuvre de Des Periers, il faut la patience d’un bouquiniste et la fortune d’un agent de change. Dieu me garde de désapprouver la promiscuité presque fastidieuse des éditions de ces vieux romanciers, dont Villon débrouilla l’art confus, et qui surchargent aujourd’hui de leurs somptueuses réimpressions les brillantes tablettes de Crozet et de Techener ; mais pourquoi Des Periers, qui est un de nos excellents textes de langue, manque-t-il à toutes les bibliothèques ? »

Avec une pareille recommandation et sous l'autorité bibliographique de Charles Nodier, Bonaventure Des Periers ne pouvait manquer d'être réimprimé : nous le réimprimâmes. Mais ce n'est pas tout : il fallait lui faire un public, il fallait recruter ce public surtout parmi la jeunesse impatiente de s'instruire, mais donnant la préférence aux lettres faciles et rapides. Voilà pourquoi nous adoptâmes, dans cette réimpression destinée à devenir usuelle et populaire, l'orthographe moderne, qui n'est pas une altération, mais bien un éclaircissement du texte. « Eh ! messieurs les partisans aveugles de l'ancienne orthographe, disais-je, respectez-vous la véritable orthographe de Corneille et de Molière, de Bossuet et de Fénelon ? Soyez conséquents, et permettez-moi de faire pour Bonaventure Des Periers ce que vous avez fait pour les écrivains du siècle de Louis XIV : on admire mieux un vieux tableau de maître, après avoir essuyé la poussière qui le couvre. »

En dépit de l'orthographe moderne, ou peut-être à cause d'elle, notre tentative réussit : Bonaventure Des Periers eut de nombreux lecteurs, et le jugement presque toujours infaillible de Charles Nodier se trouva ainsi sanctionné. Trois éditions successives des Nouvelles Recreations prouvèrent que ce chef-d'œuvre avait pris sa place entre Rabelais et La Fontaine :